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L’accord entre Google et la presse passé au crible

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Après 3 mois de négociations houleuses, un accord a enfin été trouvé entre les éditeurs de presse et Google. « Accord historique » pour Eric Schmidt le directeur de Google, « gagnant-gagnant » pour le médiateur, « première mondiale » selon Anne Colin la présidente de l’association de la presse d’information politique et générale…les acteurs de cet accord n’ont pas eu de mots assez élogieux pour le qualifier.  Mais qu’en est-il vraiment ?

          Rappelons en préambule les raisons qui ont poussé à cet accord. Tout est parti de la fronde d’une partie de la presse à l’encontre de Google et de son butin publicitaire. La revendication première des éditeurs de presse réunis sous la bannière de l’IPG, était que Google reverse une partie de ses gains lorsque celui-ci indexait les titres et premières lignes de leurs articles.  L’IPG a alors rédigé une proposition de loi obligeant les moteurs de recherche à payer afin de référencer les journaux et ce afin que « les organismes de presse bénéficient suffisamment des retombées positives de la valeur qu’elles créent ». L’idée de la fameuse Taxe Google voyait le jour et était même reprise par l’Elysée. Néanmoins, Google a réagi et a menacé de ne plus référencer les articles de journaux ce qui aurait été une catastrophe pour les journaux et une perte de revenu pour Google. La voie de la médiation s’est alors ouverte, le gouvernement faisant toujours planer la menace de la loi au cas où celle-ci n’aboutirai pas.

          Que prévoit cet accord ?

             Cet accord prévoit la création d’un fond de modernisation de la presse d’un montant de 60 millions d’euros financé intégralement par Google. Concrètement ce fond destiné à faciliter « la transition de la presse vers le monde numérique », soutiendra des projets innovants mais uniquement de la presse d’information générale et politique ce qui limite à 167 les acteurs potentiellement éligible par le conseil d’administration de sept personnes qui sera mis en place. Par ailleurs, au-delà de la mise financière Google a annoncé qui allait également « accompagner par sa compétence, sa technique, et ses ingénieurs » les projets retenus.

         Outre cette manne financière, un partenariat commercial a été conclu, sans que les détails n’aient filtré. On sait simplement qu’il est destiné à aider la presse à se développer sur internet et à accroître ses revenus en ligne. Nathalie Collin ayant indiqué aux Echos que les éditeurs bénéficieraient de « conditions particulières pour commercialiser certains de « leurs » inventaires publicitaires ».

            Les critiques se font entendre

         En premier lieu, le montant de 60millions d’euros est jugé un peu faible par certains au regard  des 1,4 milliard d’euros de chiffre d’affaire réalisé en France par Google. Ce montant et sa répartition sont remis en cause par le journaliste Erwann Gaucher, selon lui : « il y a une centaine de titres qui répondent à la catégorie IPG. Si la répartition est très égalitaire, chacun recevra 600 000 euros : pour les petis médias c’est une belle somme, mais pour les grands ce n’est pas grand-chose. » On peut néanmoins lui rétorquer que ces sommes seront alloués à des projets et non de façon égalitaire, par ailleurs pour le pluralisme de la presse il peut être souhaitable d’aider en priorité des pure player qui se battent pour survivre. Selon johan Hufnagel, il y a également un risque derrière ce processus de sélection qui pourrait favoriser les poids lourd de la presse au détriment des autres. En effet, « pour monter des dossiers, il faut du temps, de l’argent et des gens qui savent le faire ; ça n’avantagera  donc pas forcément les plus innovants mais les plus gros ».

Par ailleurs, que se passera-t-il lorsque l’ensemble des fonds auront été utilisé ? Il y a fort à parier que la presse aura toujours besoin d’aide et comme le rappelle Erwan Gaucher : « ils ont réussi à arracher 60 millions, mais il a fallu que la négociation soit conclue par le président de la république lui-même. On ne pourra pas faire ça tous les trois ans. » Inquiétude à laquelle François Hollande a répondu sous forme de boutade en déclarant que « Lorsque le fonds sera épuisé, nous nous retrouverons pour une prochaine conférence de presse avec le président de Google. »

Enfin l’aspect première mondiale prête quelque peu à sourire à l’instar du WSJ et  du président du directoire du Monde pour qui « la dimension historique et planétaire m’échappe un peu ». Vu d’Italie, l’accord a été qualifié de « défaite culturelle » par La Stampa qui la compare à une « débâcle comme à Waterloo » dans un éditorial titré « La France a vendu son avenir ».

 Martin Ralury

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