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Collecte et publication de données : nécessité d’une réflexion sur de nouvelles directives éthiques

Shibuya Crossing Intersection, Japon

 

À la suite de révélations sur des études exploitant des données recueillies auprès de Ouïghours, des éditeurs scientifiques souhaitent mettre en place de nouvelles directives éthiques à propos du consentement. Leurs réflexions sont recueillies par Slate.

Des éditeurs scientifiques voudraient mettre en place de nouvelles directives éthiques concernant la collecte des données sur les populations, surtout les plus vulnérables. Leur initiative découle de ce qui se passe en Chine. Le gouvernement mène depuis 2014 une vaste campagne de «désextrémisation» des Ouïghours musulmans de la province du Xinjiang, un immense territoire à l’extrémité nord-ouest du pays. Sous le couvert d’un programme d’amélioration de la santé, baptisé « Examens médicaux pour tous », le gouvernement communiste a aussi procédé, entre autres données biométriques, à la collecte d’échantillons d’ADN et de scans d’iris auprès de plus de 36 millions d’habitants du Xinjiang.

La Chine a ensuite partagé ces informations avec des scientifiques du monde entier, ce qui leur a permis de publier des centaines d’articles exploitant des données issues de Ouïghours et d’autres groupes ethniques minoritaires et vulnérables de Chine.

La notion élémentaire de « consentement éclairé »

Face à ces dérives, et aux risque de développement de technologies dangereuses, comme la reconnaissance faciale ciblant tel ou tel groupe ethnique ou des tests ADN susceptibles de reconstruire le visage d’un individu, des scientifiques reflechissent à des normes éthiques autour de la notion de « consentement éclairé ».

« Il y consentement éclairé non seulement si vous donnez votre assentiment à la collecte de vos données, mais cela exige aussi que compreniez réellement comment ces données pourraient être exploitées », explique Yves Moreau, professeur d’ingénierie à l’université de Louvain en Belgique. « Un véritable consentement éclairé exigerait de valider des énoncés comme le développement de cette technologie pourrait servir à discriminer et persécuter des membres de votre groupe ethnique, de votre famille ou votre propre personne », ajoute-t-il.

« Toutes les communautés ne valorisent pas le consentement individuel comme les Occidentaux »

Il faudra aussi s’assurer que les chercheurs ont obtenu les approbations adéquates des comités d’éthique, auxquels il ne faut pas systématiquement s’en remettre non plus. « J’ai [vu] de nombreux articles sur le profilage ADN de populations chinoises ayant été approuvés par le comité d’éthique de l’Institut des sciences médico-légales du ministère de la Justice », prévient Yves Moreau. Car c’est un peu comme si un patron approuvait sa propre demande de congés ou une élève de cinquième notait ses propres devoirs de maths. D’ailleurs, « Toutes les communautés ne valorisent pas le consentement individuel comme les Occidentaux », souligne Craig Klugman, professeur de bioéthique à l’université DePaul.

Craig Klugman estime qu’un bon chercheur devrait comprendre les normes et la culture du groupe qu’il étudie avant de demander la permission de commencer son travail. Et s’il travaille avec des groupes susceptibles, par exemple, de prendre des décisions au niveau de leur communauté, alors il devrait en approcher les leaders –conseil d’anciens, chefs tribaux, etc.– avant de requérir la participation des individus. Mais devoir se plier à l’approbation de comités d’éthique ou fournir des formulaires de consentement pourrait également « avoir pour effet de rejeter la science chinoise en la considérant comme contraire aux normes occidentales», ajoute Craig Klugman.

L’indispensable responsabilisation des scientifiques

Yves Moreau voudrait voir un système dans lequel rédacteurs et éditeurs collabore pour décider de ce qui relève de l’éthique ou non. « Je ne préconise pas la mise en place d’un mécanisme bureaucratique visant à vérifier systématiquement les formulaires de consentement et à remettre en question le travail des comités d’éthique, précise-t-il. Mais je voudrais que les reviewers, les rédacteurs et les éditeurs fassent leur devoir de vigilance ».

Cependant, le problème fondamental demeurera le même : il faut que les chercheurs réfléchissent eux-mêmes scrupuleusement au travail qu’ils font, à la manière dont ils le font et à l’utilisation de leurs données, qu’importe qu’ils n’aient pas personnellement de mauvaises intentions. « Je crois qu’il est temps de faire quelque chose, conclut Yves Moreau, même si personne ne sait vraiment comment garantir le caractère éthique des recherches. Il faut mettre ces problèmes en avant et obliger la société à en comprendre les enjeux, afin de faire les bons choix à l’avenir. »

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