Le crash du 12 juin dernier impliquant un Boeing d’Air India relance l’éternel débat : quel avionneur présente le moins de risques entre les deux géants de l’aéronautique ? Plongée dans la réalité des chiffres.
Malgré la fiabilité reconnue de l’avion, considéré comme le moyen de transport le plus sûr au monde – le nombre de morts a été divisé par trois en 24 ans alors que le trafic explosait, selon le réseau Aviation Safety Network (ASN) –, la sécurité aérienne reste une préoccupation majeure du public.
Cette inquiétude se cristallise particulièrement autour de Boeing qui, avec Airbus, domine le marché des avions de ligne avec plus de 90% de parts de marché d’après Statista. La raison : une succession récente de catastrophes impliquant l’avionneur américain.
Cette « série noire », comme l’appellent les médias, écorne la réputation du constructeur au point que certains passagers redoutent désormais de voyager à bord de ses appareils. « Incidents à répétition : faut-il vraiment redouter de voler à bord d’un Boeing ? », s’interrogeait ainsi BFMTV le 11 mai dernier.
La réalité s’avère cependant plus nuancée qu’un simple « oui » ou « non », comme le révèle l’enquête de CheckNews, la plateforme de vérification des faits du quotidien Libération.
L’héritage pesant d’une domination historique
Selon le Bureau of Aircraft Accidents Archives, ONG suisse spécialisée dans la compilation de ces données, 160 accidents se sont produits dans le monde depuis le 1er janvier 2015, provoquant au total 2 553 décès.
De ces accidents, 35 sont imputables à des appareils Boeing, contre seulement 15 à des Airbus. Mais cette différence numérique ne raconte qu’une partie de l’histoire.
En effet, 110 de ces accidents – soit plus des deux tiers – concernent en réalité des modèles d’autres constructeurs tels que Bombardier, Cessna ou ATR, des appareils pour la plupart de taille modeste, destinés aux segments de niche ou régionaux.
À l’origine de cette apparente surreprésentation de Boeing dans ces statistiques peu flatteuses, figure sa domination historique sur Airbus et son corollaire.
Quand la gravité supplante la fréquence
« Boeing était ultra-dominant dans les années 1980-1990. Les avions qui sont en fin de vie aujourd’hui sont donc surtout des Boeing et ils terminent leur vie dans des coins où la maintenance n’est pas toujours bien appliquée, comme l’Indonésie ou Cuba », explique Xavier Tytelman, consultant aéronautique interrogé par le Dauphiné libéré.
Il ne s’agit donc pas nécessairement d’un défaut de conception inhérent aux appareils, mais plutôt des conséquences d’une utilisation prolongée dans des environnements opérationnels variables.
Par ailleurs, si les accidents impliquant des Boeing marquent davantage les esprits, c’est principalement en raison de leur caractère particulièrement meurtrier. Comme le rapporte Checknews, les cinq accidents ayant causé le plus grand nombre de victimes ces dix dernières années impliquaient tous des avions du constructeur américain.
Lorsqu’on élargit le spectre aux dix accidents les plus mortels de cette période, sept concernent des Boeing, deux des Airbus, et un seul appareil ATR. Cette concentration de drames particulièrement sanglants crée ce qu’Arnaud Aymé, spécialiste transports au sein du cabinet de conseil Sia, qualifie pour BFMTV, « d’effet de loupe qui fait que tout accident qui concerne Boeing est plus suspecté que si cela arrivait à Airbus ».