Cinquième-pouvoir.fr

Pour Donald Trump, les tarifs douaniers comme arme géopolitique

Une enquête du Washington Post dévoile l’ampleur de l’utilisation des taxes commerciales par le président américain pour contraindre de nombreux pays à revoir leurs positions sur des sujets aussi variés que la défense ou leur souveraineté.

Alors que Donald Trump présente ses tarifs douaniers comme une réponse aux « pratiques commerciales déloyales » des autres pays, l’usage qu’il en fait dépasse largement le cadre commercial. C’est ce que révèle une récente enquête du Washington Post.

Des documents gouvernementaux obtenus par le quotidien américain montrent que la Maison Blanche utilise ces taxes comme un instrument de chantage permanent pour obtenir des concessions géopolitiques, militaires, ou encore favoriser des entreprises américaines spécifiques.

Si les menaces contre l’Inde et le Brésil sont connues du public – droits de douane exorbitants brandis contre New Delhi pour qu’elle cesse ses achats de pétrole russe, et contre Brasília pour que la justice abandonne ses poursuites contre l’ancien président Jair Bolsonaro –, d’autres pressions plus discrètes ont été exercées par Washington.

Israël s’est ainsi vu demander de retirer la compagnie chinoise qui contrôle le port stratégique de Haïfa, tandis que l’Australie était incitée à reconsidérer l’exploitation du port de Darwin par une entreprise chinoise. Quant à Madagascar, elle a été sommée de refuser tout établissement de bases militaires chinoises sur son territoire.

Une stratégie de positionnement de Washington

Au Cambodge, Washington voulait obtenir l’autorisation pour la marine américaine de mener des exercices annuels à la base navale de Ream, préoccupée par la présence militaire chinoise dans cette installation stratégique donnant accès à la mer de Chine méridionale.

À Maurice, les négociateurs américains souhaitaient que les autorités étudient le retrait des équipements télécoms de Huawei, ZTE et Hikvision de ses réseaux de surveillance. À Séoul, Washington voulait obtenir un soutien public au déploiement des forces américaines pour dissuader Pékin, tout en maintenant leur rôle traditionnel face à la Corée du Nord.

Plusieurs entreprises américaines ont bénéficié de ces pressions tarifaires. OnePower et Starlink ont ainsi été avantagées au Lesotho, tandis que Chevron voyait ses intérêts protégés en Israël.

Une rupture majeure avec les pratiques diplomatiques

Cette approche représente une rupture majeure avec les pratiques diplomatiques traditionnelles.

« C’est la première fois que je vois ce type de demandes dans un accord commercial. Quand vous êtes assis à la table de négociation, vous ne parlez normalement pas de ce genre de choses« , souligne Wendy Cutler, ancienne négociatrice commerciale ayant passé plus de 25 ans au bureau du représentant américain au commerce, dans les colonnes du Washington Post.

L’efficacité de cette stratégie semble résider dans son caractère imprévisible et sa portée potentiellement illimitée. Les pays partenaires craignant une escalade au-delà du domaine économique – comme un retrait de l’OTAN ou une modification des déploiements militaires américains – préfèrent souvent céder plutôt que de riposter par leurs propres tarifs, estime le Post.

Quitter la version mobile