Condamné à cinq ans de prison ferme avec mandat de dépôt pour association de malfaiteurs dans l’affaire des financements libyens, l’ancien président multiplie les contre-vérités pour se présenter en victime d’une justice « militante ». Dans sa ligne de mire : une note dans laquelle l’ex-chef des services secrets extérieurs de la Libye, Moussa Koussa, évoque l’existence d’un « accord de principe » portant sur le soutien financier de Mouammar Kadhafi à sa campagne, révélée par Mediapart en 2012.
« En matière de justice, on réclame d’abord le respect du droit et la cohérence. Bâtir une accusation sur un faux, ce n’est pas du droit ». Reconnu coupable par la justice d’« association de malfaiteurs », jeudi 25 septembre dans l’affaire dite des financements libyens, Nicolas Sarkozy ne décolère pas.
Il a ainsi accusé Mediapart, auteur des révélations dans cette affaire qui lui vaut une condamnation à cinq ans d’emprisonnement – une première pour un ancien président français – avec mandat de dépôt à effet différé avec exécution provisoire, d’avoir publié un « faux » dans une interview accordée au Journal du dimanche (JDD), trois jours plus tard.
« Une expression malheureuse du tribunal »
« Je maintiens depuis 12 ans que le document publié par Mediapart et qui a déclenché l’affaire est un faux. La procédure judiciaire a débuté sur la foi de ce document. Or que conclut le tribunal correctionnel de Paris ? Que « le plus probable est que ce document publié par Mediapart soit un faux » », a déclaré le prédécesseur de François Hollande, évoquant l’existence « de faussaires » et « d’un complot ».
Face aux accusations virulentes de Nicolas Sarkozy, le journaliste de Mediapart Fabrice Arfi est monté au créneau le lendemain sur l’antenne de BFMTV pour défendre l’authenticité du document au cœur de la polémique.
« Une expression malheureuse qui ne veut rien dire en droit« , a-t-il réagi en contestant fermement la qualification de « faux » employée par le tribunal correctionnel de Paris. Pour le journaliste d’investigation, la formule selon laquelle « le plus probable est que ce document est un faux » reste floue juridiquement et ne constitue en rien une preuve formelle de falsification.
Une rhétorique de la victimisation
D’après Arfi, la note attribuée à Moussa Koussa pourrait « contenir une erreur de date », sans pour autant remettre en cause son authenticité globale. « Ce n’est pas parce qu’il y a une erreur de date que ça en fait un faux, a fortiori pour une rencontre qui a vraiment existé », plaide-t-il avec conviction.
Le journaliste fait référence à cette réunion de décembre 2005 entre Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux collectivités territoriales et par ailleurs proche de Sarkozy, et Abdallah Senoussi, beau-frère du « guide » libyen, condamné en 199 à la réclusion criminelle à perpétuité pour son rôle dans l’attentat du DC-10 de l’UTA (170 morts en 1989, dont 54 Français) par la justice française.
« On ne peut pas indexer la qualité du travail journalistique au processus judiciaire« , rappelle Fabrice Arfi, pour qui les dénégations de Nicolas Sarkozy s’inscrivent dans une stratégie de victimisation désormais bien connue.