Cinquième-pouvoir.fr

« Depuis l’espace, personne n’entendra l’appel des travailleurs de Musk et Bezos en faveur de leurs droits »

Pixabay

Les patrons de Tesla et d’Amazon souhaitent emmener les humains sur Mars et au-delà. Toutefois, sur Terre, Elon Musk et Jeff Bezos ne font pas grand-chose pour améliorer le destin de l’humanité et des travailleurs, écrit Robert Reich, ancien secrétaire au Travail de Bill Clinton, professeur chancelier de politique publique à l’Université de Berkeley, dans le quotidien britannique The Guardian.

 

« Sur Terre, Musk et Bezos traitent leurs travailleurs comme des ordures »

 

Le projet Space X d’Elon Musk vient de remporter un contrat de 2,9 milliards de dollars avec la Nasa pour faire atterrir des astronautes sur la Lune. Il s’agit d’une victoire sur son rival Jeff Bezos et son projet Blue Origin.

L’argent n’est cependant un problème ni pour l’un, ni pour l’autre. Musk est assis sur 179,7 milliards de dollars, tandis que l’entreprise de Bezos vaut 197,8 milliards de dollars. Le total de ces deux sommes équivaut à près de 40 % des revenus des Américains les plus pauvres.

Par ailleurs, pour les deux entrepreneurs, la Lune n’est qu’une première étape. Musk, avec Space X, souhaite faire débarquer des humains sur Mars d’ici 2026. Il prévoit en outre d’y installer une colonie d’ici 2050 afin, selon ses dires, d’assurer la survie de notre espèce.

Sur Twitter, Musk a d’ailleurs expliqué que si la vie devenait multi-planétaire, il se pourrait qu’un jour, certaines plantes et animaux meurent sur Terre, mais continuent à vivre sur Mars.

Pour sa part, Jeff Bezos cherche à établir des colonies dans l’espace plutôt que sur Mars. Il envisage d’énormes structures capables d’abriter chacune un million de personnes ou plus.

Sur Terre, Musk construit des voitures électriques qui respectent l’environnement. Bezos, quant à lui, nous permet de réaliser des achats à domicile. Cela nous permet d’économiser du carburant, un atout sur le plan environnemental.

« Mais Musk et Bezos traitent leurs travailleurs comme des ordures », écrit Reich dans The Guardian.

 

La majorité des travailleurs ne pourra pas s’échapper dans l’espace

 

La plupart des travailleurs n’auront pas l’occasion de s’échapper dans l’espace. Il s’agit davantage d’une affaire de riches. Quelques milliardaires font déjà la queue pour obtenir leur ticket de transport.

L’année dernière, Musk avait qualifié de fascistes les mesures de confinement aux États-Unis. Au printemps, il avait d’ailleurs rouvert son usine Tesla, à Fremont, en Californie, avant que les responsables du secteur de la santé n’estiment qu’il était sûr de le faire. Presqu’immédiatement, 10 de ses travailleurs avaient été contaminés par le virus. En pleine augmentation des cas de contagions, Musk avait décidé de licencier des travailleurs ayant pris un congé sans solde.

Résultat : sept mois plus tard, au moins 450 travailleurs de Tesla étaient infectés par le coronavirus.

 

Antisyndicalisme

 

Les assistants de production de Musk, comme on les appelle, gagnent 19 dollars de l’heure. Cette somme leur permet à peine de payer le loyer et autres frais pour les services de base en vigueur dans le nord de la Californie.

Musk est violemment antisyndical, explique Robert Reich. Ainsi, il y a quelques semaines, le Conseil national des relations du travail (National Labor Relations Board) a constaté que Tesla avait interrogé illégalement des travailleurs sur leurs tentatives présumées de former un syndicat.

Un travailleur avait d’ailleurs été licencié et un autre, sanctionné pour ses activités syndicales. Tesla a en outre menacé les travailleurs ayant des intentions de former un syndicat et les a empêchés de communiquer avec les médias, indique encore le jugement.

Bezos ne traite pas beaucoup mieux ses employés terriens. Ses entrepôts imposent des quotas de production stricts. Ses travailleurs sont soumis à des licenciements arbitraires et à une surveillance totale. Les journées de travail sont de 10 heures avec uniquement deux pauses d’une demi-heure.

Bezos se vante que ses travailleurs touchent 15 dollars de l’heure, mais cela revient à environ 31.000 dollars par an pour un travailleur à temps plein, soit moins de la moitié du revenu familial médian aux États-Unis. Les travailleurs d’Amazon n’ont en outre pas de congé maladie payé.

Bezos a licencié au moins deux employés qui se sont publiquement plaints du manque d’équipement de protection pendant la pandémie. Pour contrecarrer la récente campagne syndicale à Bessemer, en Alabama, Amazon a demandé aux travailleurs d’assister à des réunions antisyndicales. L’entreprise les a avertis qu’ils devraient payer des cotisations syndicales et les a menacés de salaire et avantages sociaux perdus.

 

La fuite des super-riches

 

Musk et Bezos sont les personnes les plus riches d’Amérique. Leurs entreprises sont parmi les plus dynamiques du pays.

« Ils exercent ainsi une influence considérable sur la manière dont les autres directeurs généraux comprennent leurs obligations envers les employés », précise Reich.

L’écart entre la rémunération des PDG et celle des travailleurs moyens est déjà à un niveau record. Ils habitent des mondes différents.

« Si Musk et Bezos atteignent leurs objectifs extraterrestres, ces mondes pourraient être littéralement différents. La plupart des travailleurs ne pourront pas s’échapper dans l’espace. Seuls quelques milliardaires font déjà la queue. »

« Les super-riches ont toujours trouvé le moyen d’échapper aux périls de la vie quotidienne. Pendant les fléaux du 17ème siècle, les aristocrates européens ont décampé dans leurs domaines. Pendant la pandémie de 2020, les riches Américains se sont dirigés vers les Hamptons, leurs ranchs dans le Wyoming ou leurs yachts. »

Les riches ont également trouvé des moyens de se protéger du reste de l’humanité – dans des châteaux fortifiés, sur des collines en toute sécurité au-dessus de la fumée et des égouts, dans de grandes demeures loin des foules en colère. Certains des super-riches actuels ont créé des bunkers apocalyptiques en cas de guerre nucléaire ou de conflit social.

« Mais au fur et à mesure que les aléas terrestres augmentent – pas seulement les menaces environnementales mais aussi l’instabilité sociale liée à l’augmentation des inégalités -, la fuite deviendra plus difficile. Les bunkers ne suffiront pas. On ne peut même pas compter sur les colonies spatiales. Je suis reconnaissant à Musk d’avoir fabriqué des voitures électriques et à Bezos d’avoir facilité la commande en ligne. Mais j’aurais aimé qu’ils donnent de meilleurs exemples pour protéger les personnes qui font le travail. »

« Il est compréhensible que les super-riches souhaitent échapper à l’attraction gravitationnelle du reste d’entre nous. Mais il n’y a vraiment pas d’échappatoire. S’ils sont sérieux au sujet de la survie de l’espèce, ils doivent agir de manière plus responsable envers les travailleurs ici sur la terre ferme », conclut Robert Reich.

 

 

 

 

Quitter la version mobile