Pourquoi le cyber-cochon d’Elon Musk n’est (encore) qu’un vaste coup de pub

L’entrepreneur milliardaire Elon Musk aime faire la une des journaux. Cependant, derrière le battage médiatique, ses innovations sont bien souvent décevantes.

Avec Elon Musk, s’il y a bien une chose qui est sûre, c’est que ce dernier a besoin d’attention comme les mortels ont besoin d’oxygène. Si Musk n’est pas au centre de l’actualité pendant quelques jours, il trouvera toujours un moyen d’y revenir.

Dernier coup médiatique en date du milliardaire sud-africain : la présentation d’un implant Neuralink, son interface entre les humains et les machines, sur un cyber-cochon.

Neuralink

La semaine dernière, Musk a présenté une mise à jour des progrès de Neuralink, sa startup en sciences. La star du spectacle était Gertrude, un cochon avec une puce dans le cerveau. Selon le fondateur de SpaceX et Tesla Motors, nous souhaiterons tous bientôt cette technologie qu’il décrit comme « une Fitbit dans votre crâne avec des câbles très fins », nous soit implantée.

L’ambition de Neuralink est de développer des interfaces cerveau-ordinateur grand public qui vous permettent de contrôler les choses avec votre esprit ainsi que de soigner les troubles de la dépression, guérir les lésions de la colonne vertébrale et les troubles neurologiques.

De prime d’abord, cela semble très impressionnant.

« Cependant, comme beaucoup de choses dans lesquelles Musk est impliqué, plus vous approfondissez la question, moins vous vous rendez compte de ce que c’est », écrit Arwa Mahdawi, chroniqueuse pour le quotidien britannique The Guardian. Cette dernière cite en exemple la fois où Musk a promis de révolutionner le transport urbain alors qu’en fait, son invention n’était en fait qu’un tunnel très inefficace. L’entrepreneur a aussi promis de fabriquer des ventilateurs et de les livrer aux hôpitaux.  Toutefois, les établissements ont déclaré qu’il avait livré des appareils d’assistance respiratoire beaucoup moins chers.

Une présentation décevante

Tout comme Arwa Mahdawi, médias et experts s’accordent à dire que la présentation de Neuralink et des cochons bioniques était finalement décevante d’un point de vue scientifique.

« Des bruits sonnaient pour démontrer ce que Musk prétendait être le déclenchement des neurones de Gertrude en temps réel. Toutefois, ce n’était rien que ce que les neuroscientifiques n’avaient déjà fait auparavant. Bien que Musk ait fait de grandes déclarations sur le potentiel de Neuralink, il ne les a pas étayées avec des données ou des preuves », explique la journaliste.

« Neuralink n’est pas le premier à croire que les implants cérébraux pourraient étendre ou restaurer les capacités humaines. Les chercheurs ont commencé à placer des sondes dans le cerveau de personnes paralysées à la fin des années 1990 afin de montrer que les signaux pouvaient leur permettre de déplacer des bras de robot ou des curseurs d’ordinateur. Et les souris avec des implants visuels peuvent vraiment percevoir les rayons infrarouges », explique Antonio Regalado dans un article pour le site MIT Technology Review, média appartenant au Massachusetts Institute of Technology. « Neuralink d’Elon Musk est le théâtre des neurosciences », estime en outre le journaliste.

Pour les neuroscientifiques, il n’y a rien de nouveau dans la démonstration de Musk. En effet, dans leurs laboratoires, le bourdonnement et le crépitement des impulsions électriques enregistrées à partir de cerveaux d’animaux (et de certains humains) se font entendre depuis des décennies.

Numerama s’interroge également sur la portée révolutionnaire de la technologie de Musk.

« D’un point de vue strictement scientifique, la démonstration n’a pour l’instant rien de réellement spectaculaire. Côté ingénierie pure, la puce et le robot médical semblent certes être de petits bijoux dans leur conception, mais côté neurosciences — ce qui est au cœur du projet, il n’y a rien de nouveau aujourd’hui dans Neuralink », écrit Marcus Dupont-Besnard dans un article pour le site technologique.

Un théâtre dont raffolent les foules

L’objectif principal de la démonstration de Musk était plutôt de susciter l’enthousiasme, de recruter des ingénieurs dans l’entreprise et d’établir une base de fans qui a encouragé les autres entreprises de Musk et a contribué à propulser le cours des actions du constructeur de voitures électriques Tesla, explique encore Regalado.

« Théâtre, peut-être, mais avec un public ravi. Peu importe les déclarations ridicules de Musk, il possède des hordes de fans adorateurs alignés pour injecter son battage médiatique dans leurs veines – et ses puces dans leur cerveau. Un narcissique avec des ambitions qui ressemblent beaucoup à un lavage de cerveau ? Qu’est-ce qui pourrait mal tourner ? », ironise la chroniqueuse de The Guardian qui conclut :

« Nul doute que certains des disciples sectaires de Musk me diront que je suis un Grinch amer pour avoir douté de leur dieu. Mais une puce sur l’épaule vaut mieux qu’un implant défectueux dans le cerveau. »