Les voitures autonomes risquent de faire de nos routes un enfer

Les voitures autonomes risquent de faire de nos routes un enfer

16/01/2020 Non Par Arnaud Lefebvre

L’avenir des voitures autonomes est prometteur. Cette technologie devrait être une solution « mains libres » à divers problèmes de transport, écrit Cameron Roberts sur le site Fast Company.

Selon la croyance dominante, un système de voitures autonomes serait en mesure de résoudre plusieurs problèmes environnementaux et sociaux sans que nous ayons à nous soucier de choses telles que la politique, l’activisme ou encore de changer nos habitudes de voyages.

Malheureusement, cet avenir risque certainement de ne jamais voir le jour. Les voitures autonomes, livrées à elles-mêmes, feront probablement plus de mal que de bien, explique Roberts. Pour éviter les problèmes, nous devrons désactiver le pilote automatique et personnaliser le système de mobilité autonome afin qu’il réponde au mieux à nos besoins et à ceux de la planète.

Plus de routes = plus de voitures

En 1939, Futurama, un projet parrainé par General Motors lors de l’Exposition universelle de New York, indiquait que des autoroutes rapides et efficaces viendraient à bout des problèmes de congestion du trafic et signifieraient la fin des accidents. Toutefois, une fois ces autoroutes construites, la demande induite de voitures a provoqué leur obstruction car les personnes ont profité de ces nouvelles artères pour effectuer de nouveaux trajets qu’elles ne faisaient pas auparavant.

Les véhicules autonomes risquent de créer une version plus dangereuse du même phénomène, avertit Roberts. Non seulement les autoroutes autonomes efficaces inciteront les personnes à réaliser des trajets sur de plus longues distances, mais la possibilité de travailler et même de dormir tout en voyageant fera en sorte que les personnes envisageront beaucoup moins un trajet plus court, par exemple, de deux heures.

Les voitures autonomes peuvent également devenir moins économes en énergie car elles auront été modifiées pour répondre aux demandes des utilisateurs. Les passagers pourront les utiliser à des vitesses plus élevées car elles sont plus sûrs, ce qui aboutira à une consommation d’énergie accrue en raison de la résistance aérodynamique. Par ailleurs, les constructeurs automobiles pourraient décider de concevoir des véhicules autonomes plus spacieux capables de contenir des bureaux mobiles et des chambres.

Ce type de problèmes pourrait être légèrement atténué grâce aux voitures électriques. Cependant, cette électricité pourrait encore provenir de combustibles fossiles. En outre, des véhicules plus gros dotés de batteries plus importantes produiront davantage d’émissions de carbone. D’un autre côté, la neutralité carbone risque de ne pas être atteinte assez rapidement. Enfin, ces véhicules pourraient effectuer des voyages sans aucun passager à bord. En effet, pourquoi chercher une place de parking alors que vous pouvez renvoyer votre voiture autonome chez vous ?

A l’aide de modèles informatiques, des chercheurs ont pu prédire l’impact environnemental des véhicules autonomes. Ils ont ainsi constaté que leur utilisation massive pourrait provoquer une hausse des émissions de dioxyde de carbone allant jusqu’à 200%.

Taxis robots

Selon plusieurs visions utopiques, les voitures autonomes seront davantage partagées que détenues par des particuliers. Il s’agirait d’une option plus durable. Mais les personnes sont attachées à leur voiture. Le public aime avoir un véhicule qu’il peut utiliser pour stocker des choses et qui est un marqueur de statut social.

Les véhicules partagés peuvent également être conçus de manière inconfortable. A cause du risque de vandalisme et de dégâts causés par des passagers non surveillés, les taxis robots pourraient être équipés de sièges en plastique dur comme dans les bus, plutôt que d’intérieurs rembourrés auxquels les automobilistes sont habitués.

Selon certaines enquêtes, si les taxis autonomes coûtent 1 dollar par mile (1,6 km), seuls 10% des répondants abandonneraient leur voiture pour les utiliser. Même s’ils étaient totalement gratuits, un quart des automobilistes garderaient toujours leurs véhicules.

Les taxis autonomes sont beaucoup plus susceptibles d’intéresser les cyclistes, les piétons et les passagers des transports en commun. Mais là encore, cela rendrait probablement les voyages de ces personnes moins durables. La situation risque en outre de ne pas s’améliorer à cause du fait que les partisans des véhicules autonomes imaginent un avenir où les réseaux routiers n’auront plus de feux de circulation, ce qui offrira moins d’espace aux cyclistes et aux piétons.

Réduction de l’utilisation de la voiture

De nombreux chercheurs européens ont développé un modèle de voyage autonome. Dans celui-ci, le véhicule autonome qui vous embarque ressemblerait plus à une navette du dernier kilomètre. Ce véhicule se déplacerait lentement mais confortablement. Il ramasserait plusieurs passagers sur leur chemin vers le centre de transit local. Les passagers prendraient ensuite une ligne de train léger et rapide.

Ce modèle pourrait compléter les formes existantes de mobilité durable plutôt que de leur faire concurrence. En outre, il rendrait la possession d’une voiture moins obligatoire. Etant donné le fait que posséder une voiture prédispose les personnes à l’utiliser, cela pourrait devenir un moyen puissant de soutenir le transport durable.

Des navettes partagées, lentes et autonomes intégrées au transport en commun et à d’autres formes de mobilité durable contourneraient de nombreux obstacles actuels auxquels est confrontée cette technologie. Elles pourraient, par exemple, circuler suffisamment lentement afin de ne pas risquer de blesser ou de tuer quelqu’un.

Si elles sont associées à d’autres formes de politique de transport urbain durable, telles qu’un soutien engagé pour les voies cyclables, des réseaux de transport en commun rapides, efficaces et bon marché, elles pourraient aider à réduire considérablement l’utilisation de la voiture, ce qui pourrait être notre meilleur moyen d’éviter les pires conséquences du changement climatique.

Cependant, pour cela, il faudra que nous façonnions activement notre système routier grâce à la réglementation, l’activisme et à la planification. Il faudra en outre diminuer notre dépendance à l’égard des voitures particulières et reconsidérer nos habitudes de voyage.