L’extrême-droite mondiale utilise la technologie et les jeux vidéo pour attirer ses jeunes recrues

L’extrême-droite mondiale utilise la technologie et les jeux vidéo pour attirer ses jeunes recrues

16/02/2021 Non Par Arnaud Lefebvre

La semaine dernière, un tribunal du Royaume-Uni a condamné la plus jeune personne du pays pour infraction à caractère terroriste. Âgé de seulement 13 ans, cet adolescent avait téléchargé un manuel de fabrication de bombes. Devenu à 16 ans le chef de la branche britannique de la mouvance d’extrême-droite FKD (Feuerkrieg Division), il préconisait de gazer les juifs, de pendre les homosexuels ou encore de procéder à des fusillades lors de leurs rassemblements.

Ce jeune avait obtenu ces informations sur des forums en ligne. Les néo-nazis britanniques ont recours à ces plateformes et aux jeux vidéo pour attirer l’attention des jeunes, rapporte The Guardian. Inquiétantes, ces nouvelles méthodes de recrutement en ligne de l’extrême-droite parmi la jeunesse sont un phénomène que l’on observe également aux États-Unis ainsi qu’en France.

Recrutement en ligne

Le jeune terroriste britannique s’apprêtait à devenir le « premier kamikaze blanc » de Grande-Bretagne. Par ailleurs, le jeune garçon avait réussi à attirer à ses côtés, grâce à de la propagande chiffrée sur des forums en ligne, d’autres jeunes. Au cours des 18 derniers mois, 17 jeunes entre 14 et 17 ans ont été arrêtés pour terrorisme au Royaume-Uni.

Sara Khan, commissaire du gouvernement britannique à la lutte à la contre l’extrémisme a expliqué que l’extrême-droite radicalisait activement et délibérément les enfants du pays. Dans son nouveau rapport, Khan a identifié un contenu extrémiste considérable. Il s’agit principalement de plateformes non réglementées propulsées par des algorithmes. Ces espaces sont capables d’attirer rapidement de jeunes esprits vers l’extrémisme de droite violent, explique Khan.

« Des milliers de vidéos, de mèmes, de GIF et d’autres contenus font la promotion de vidéos de décapitation islamistes, de matériel néo-nazi prônant « le gazage des juifs », de vidéos célébrant les actions de terroristes », explique Khan au quotidien britannique.

Au Royaume-Uni, des études récentes détaillent les nouvelles méthodes des extrémistes de droite pour recruter des jeunes recrues. En collaboration avec le Bureau de lutte contre le terrorisme de l’ONU, des chercheurs ont découvert que les extrémistes de droite utilisaient le système de création de jeux en ligne Roblox pour recréer des versions jouables d’atrocités infâmes d’extrême droite.

Les chercheurs de Tech Against Terrorism ont découvert que les utilisateurs étaient invités à jouer à des jeux mettant en scène l’attaque du terroriste norvégien d’extrême-droite Anders Breivik en 2011 sur l’île d’Utoya, la fusillade d’une mosquée en 2019 à Christchurch, en Nouvelle-Zélande, et l’attaque terroriste anti-mexicaine de 2019 à El Paso, au Texas.

Le groupe nationaliste blanc britannique Patriotic Alternative cible activement en ligne les jeunes recrues. Ce groupuscule a récemment lancé des tournois en ligne du jeu Call of Duty Warcraft pour ses partisans.

Contexte parfait

Cette vague d’extrémisme et de désinformation en ligne a lieu à un moment d’isolement, de solitude et d’enseignement à domicile induits par le verrouillage dû à la pandémie. Il s’agit d’un contexte idéal que la police britannique nomme « tempête parfaite ». Un groupe d’extrême droite britannique a même commencé à promouvoir un programme scolaire d’extrême-droite alternatif pour l’enseignement pendant le verrouillage.

« Chaque jour, nous voyons des groupes extrémistes et terroristes violents d’extrême droite exploiter la culture des jeunes, non seulement pour échapper à la modération du contenu, mais aussi pour radicaliser les jeunes eux-mêmes », a déclaré Adam Hadley, directeur de Tech Against Terrorism.

Offrant des réponses simples à des problèmes très difficiles, l’extrême droite et d’autres extrémistes font la promotion en ligne de leur message de division et de haine.

« Ils profitent d’une période difficile et solitaire, pour cibler les personnes vulnérables », a déclaré un porte-parole d’Exit UK, une organisation composée d’anciens membres d’extrême-droite qui aide les personnes à délaisser les mouvances néo-nazies. Exit UK a reçu 241 demandes d’aide depuis avril dernier, contre seulement 60 en 2019.

Espace de recrutement idéal

L’année dernière, dans le New York Times, Megan Condis, professeure de communication de l’Université Texas Tech, avait proposé une explication à ce phénomène.

« Les jeux vidéo et les communautés qui les entourent constituent un espace de recrutement idéal car ils sont pourvus du récit facile à comprendre de l ‘« invasion » indésirable de nos espaces » qui peut facilement être étendu au-delà du monde du jeu », écrivait Condis.

Selon elle, les nationalistes blancs cherchant à attirer de nouvelles recrues ont le chemin libre sur les médias sociaux. Le jeu en ligne représente un espace unique étant donné toutes les controverses dans le monde du gaming autour de la figure du « Social Justice Warrior (SJW) », du politiquement correct et du féminisme. SWJ est terme péjoratif utilisé sur les réseaux sociaux et dans le monde du jeu en ligne pour désigner une personne qui milite pour les causes sociales.

« Les recruteurs de la suprématie blanche ont reconnu un sentiment de ressentiment qui bouillonnait. Ils sont à la recherche de joueurs qui correspondent au stéréotype. Ils disent à ces joueurs qu’ils représentent la majorité légitime au sein de leur communauté et que tous les autres sont soit opportunistes, soit des faussaires ou des intrus essayant de ruiner tout ce qui est amusant et unique dans la culture du jeu avec leur politiquement correct insidieux. »

Guerre culturelle

Le phénomène du recrutement en ligne de nouvelles recrues pour les groupuscules néo-nazis n’épargne pas la France. L’année dernière, le journaliste Paul Conge a mené une enquête sur la pénétration de l’extrême-droite dans l’univers du jeu en ligne. Sur France Info, il explique qu’en France aussi, ces mouvances cherchent à attirer, via des jeux en ligne comme Fortnite, les jeunes vers des espaces de discussion clos où ils peuvent diffuser leur propagande. Le but de ces campagnes en ligne est de rassembler des membres pour constituer des groupes qui réalisent des « raids » et de « l’astroturfing » sur les médias sociaux. Ces groupes s’attaquent ainsi des personnes ou des communautés en ligne.

Selon Conge, il s’agit d’une guerre culturelle qui ne concerne pas que le monde du jeu en ligne et la technologie. D’autres sphères telles que le tuning, le coaching en séduction ou le développement personnel sont également des espaces où la nouvelle génération de néo-nazis est active.