La N.S.A. va licencier 90% des administrateurs de systèmes

19/08/2013 Non Par Patrice Tallineau

Conséquence indirecte de l’ «affaire Snowden», la N.S.A. (l’Agence de Sécurité Nationale américaine) a décidé de se séparer de 90% des administrateurs de systèmes en charge de la gestion de ses réseaux. Si l’une des raisons officielles qui est avancé pour justifier cette décision est la prochaine automatisation de la majeure partie de la gestion des systèmes, elle n’est pas sans rappeler une volonté évidente de la part du service d’espionnage de partager avec le plus petit nombre de collaborateurs possibles, ses informations classées sensibles. En amont du ‘Prismgate’, la révélation du programme d’espionnage des télécommunications américain suscite la question suivante : dans un contexte de compétition économique et d’exacerbation des rivalités militaires et au vu des risques encourues par la fuite de stratégies d’état, pourquoi une conclusion aussi évidente que l’automatisation des fonctions délicates inhérentes à l’espionnage ne s’est pas imposée dès lors que l’évolution de la technologie l’en aurait rendue possible ? Ce à quoi, le Général Keith ALEXANDER, directeur de l’agence fédérale, a laconiquement répondu que cette mesure avaient été envisagée bien avant les révélations de SNOWDEN, et que l’éclatement de cette affaire n’avait permis qu’à accélérer son déploiement.

 

Un remplacement sans risque ?

 

Si le remplacement d’informaticiens par des machines, capables de « travailler » à moindre coût 24h/24 et 7j/7, avec un rendement meilleur si ce n’est équivalent et surtout sans risque de divulgation d’informations dites confidentielles, paraît a priori être une bien meilleure solution que continuer à confier la gestion des systèmes par des administrateurs humains, elle n’en constitue pas moins une pratique sans risque. Tout d’abord, sur le plan de la confiance accordée aux collaborateurs avec lesquels la N.S.A. (National Security Agency) a l’habitude de travailler se retrouve ternie par la substitution des hommes a des machines « décomplexées » dans l’exécution des tâches de surveillance. Cette décision en plus d’un manque à gagner considérable pour les partenaires et firmes sous-traitantes de la N.S.A., se révèle être un profond désaveu pour la tradition d’intégration poussée entre la Défense et l’Industrie. Le  modèle de Complexe Militaro-Industriel américain (CMI) se trouve ébranlé par un scandale qui aurait dû être circonscrit à l’agence fédérale et l’employeur d’Edward J. SNOWDEN, la SSII sous-traitante Booz Allen Hamilton. Comme si le remplacement progressif des hommes par des machines ne suffisait pas à alimenter la paranoïa ambiante qui règne dans les locaux de Fort Meade depuis juins 2013, les activités informatiques qui nécessiteront l’emploi d’un technicien devront désormais être encadrées par 2 personnes supplémentaires, en charge de les contrôler.

 

Mais l’automatisation présente des avantages techniques indéniables

 

En procédant dans un premier temps à l’automatisation de ses réseaux, la N.S.A. n’entend pas seulement lutter contre la trop grande dépendance que l’expose jusqu’ici la mise à disposition de ses infrastructures informatiques à des consultants extérieures, mais garantir la sécurité des informations qu’elle collecte et analyse. Dans un contexte de guerre cybernétique larvée entre grandes puissances, la cyber-défense et ses enjeux gagnent en importance. Les décisions politiques prises ces derniers mois de la part des Etats-Unis attestent du sérieux que représente la menace cybernétique à l’encontre de ses intérêts nationaux. Gagner en sécurité, mais également en vitesse dans la collecte et le traitement d’informations qui pourraient permettre d’appréhender toute menace qui pèse sur la sécurité du territoire américain. C’est en tout cas les raisons officielles qui ont été avancées par l’agence et le gouvernement fédéral, pour parer aux critiques qu’a suscité la révélation des programmes d’espionnage Prism et XKeyscore par l’ancien consultant réfugié en Russie, Edward J. SNOWDEN.

 

Une conférence de presse et de nouvelles mesures envisagées pour faire taire les critiques

 

Outre la motivation « technique » venue appuyer l’automatisation des réseaux informatiques de la N.S.A, le directeur de l’agence, Keith ALEXANDER, a tenu à rappeler que Prism et le projet de « mécaniser » la collecte et l’analyse de données de ressortissants étrangers ne tombait pas sous le coup de la loi puisqu’il ne contrevenait à aucune loi fédérale : « Personne n’a délibérément désobéi à la loi ni tenter de violer vos libertés et votre vie privée. ». Lors d’une conférence de presse sur la surveillance des communications, le Président américain Barack OBAMA a souligné que le gouvernement fédéral avait d’ores et déjà tiré les leçons de l’ « affaire SNOWDEN » et qu’un responsable de la vie privée et des libertés publiques allait être nommé à la N.S.A. Si ces nouvelles se rassurantes pour la liberté individuelle des citoyens américains, elles sont cependant insuffisantes pour faire oublier le tollé diplomatique suscité par les divulgations d’Edward J. SNOWDEN et les conséquences économiques catastrophiques que le programme Prism a fait peser sur l’industrie américaine du Cloud Computing.

 

Patrice TALLINEAU