En Colombie, une intelligence artificielle va aider la justice

En Colombie, une intelligence artificielle va aider la justice

05/08/2020 Non Par Arnaud Lefebvre

Ces dernières années, la Colombie a fortement progressé sur le plan des solutions d’intelligence artificielle. Le pays a d’ailleurs décidé d’avoir recours à un système d’IA nommé PretorIA capable de lire, détecter, prédire et élaborer des résumés de milliers de sentences judiciaires en quelques secondes.

Ce logiciel se base sur l’expérience argentine Prometea, un programme utilisé par le Ministère public fiscal de la ville de Buenos Aires.

PretorIA

A la fin du mois de juillet, la Cour Constitutionnelle de Colombie a présenté PretorIA, un système d’intelligence artificielle basé sur l’expérience Prometea, un programme utilisé par le Ministere public fiscal de Buenos Aires, en Argentine. Ce logiciel permet d’organiser et d’établir des priorités dans le traitement des affaires de justice les plus importantes.

PretorIA peut lire, détecter, prédire et élaborer des résumés de milliers de sentences en à peine quelques secondes. Ce système représente un allégement considérable des tâches judiciaires, rapporte la revue technologique Retina du quotidien espagnol El País. En général, une personne met en moyenne 27 minutes pour lire et établir le résumé d’une sentence.  La justice colombienne s’occupe en moyenne de 2.700 sentences par jour.

Le système a été formé pendant cinq mois. Il a été développé afin de détecter les priorités sur des questions judiciaires relatives à la santé, explique Juan G. Corvalán, procureur, directeur du Laboratoire d’Innovation et d’Intelligence Artificielle (IALAB) de la faculté de droit de l’Université de Buenos Aires et créateur de Prometea.

La formation du système s’est centrée sur 33 critères définis par la Cour dans des situations factices de demandes de protection des droits fondamentaux. La plupart de ces demandes proviennent de citoyens vulnérables qui recourent désespérément à cette action pour accéder aux services de santé.

Fonctionnement

Le programme PretorIA est l’œuvre conjointe de IALAB et de l’Université del Rosario en Colombie.  Le système est capable de lire et d’interpréter les sentences. Une fois cette tâche accomplie, il peut réaliser automatiquement et sans intervention humaine trois tâches principales : la recherche d’information pertinente pour la sélection des sentences, la catégorisation en suivant des critères de pertinence établis par la Cour constitutionnelle et l’élaboration de statistiques qui permettent de visualiser intégralement les sentences.

« Le système se base sur l’expérience de Prometea, mais IALAB a dû développer une interface totalement nouvelle », a expliqué Corvalán. Selon ce dernier, le modèle argentin peut expliquer, interpréter et tracer les cas de manière complète.

Corvalán a en outre expliqué que lors de la création de Prometea, les chercheurs avaient constaté qu’il n’y avait pas assez de données de formation disponibles et numérisées pour développer une solution de big data. En d’autres termes, il manquait les volumes de données nécessaires pour former le système de réseaux neuronaux. Les scientifiques ont donc choisi de générer un autre type de modèle de prédiction basé sur un système d’apprentissage automatique supervisé.

« Si un juge entre, par exemple, diverses variables telles que l’enfance, l’extrême pauvreté ou les mères allaitantes et choisit une certaine période de temps, le système lit les milliers de phrases, croise les informations et renvoie des résumés qui devaient auparavant être évalués et rédigés manuellement. La plateforme a un taux de réussite de 90% », précise Corvalán.

« Je ne connais aucun tribunal du monde occidental qui reçoive le volume d’affaires judiciaires que reçoit la Cour constitutionnelle colombienne. Le principal problème auquel étaient confrontés les juges colombiens était le fait qu’ils devaient retirer le fichier et le trier, créer des casiers et séparer les variables. PretorIA, qui fait un travail beaucoup plus profond qu’un moteur de recherche, leur permet d’agir plus rapidement », indique encore le procureur à propos de la plateforme.

PretorIA n’est pas un juge robot

Ce n’est pas la première fois que l’intelligence artificielle est intégrée à la justice. Toutefois, la solution d’IA argentine, appliquée en Colombie, a reçu l’aval des Nations Unies, de l’OCDE et de la Banque interaméricaine de développement (BID).

Les magistrats colombiens ont insisté durant leur conférence de presse qu’il ne s’agissait pas d’un programme de juge robot.

« Il s’agit d’un système prédictif qui élargit les capacités de connaissances des juges, mais ne les remplace pas. C’est une machine qui a été entrainée et formée par les juges. Le système n’est donc pas autonome, mais fait ce que ces derniers disant. Les juges tirent profit de la technologie pour être plus rapides et empathiques dans les causes qu’ils révisent. Cependant, cette IA reste sous supervision humaine. »