Avec le métaverse, Facebook profitera d’encore plus des données des utilisateurs

Avec le métaverse, Facebook profitera d’encore plus des données des utilisateurs

30/09/2021 Non Par Arnaud Lefebvre

Le concept de métaverse est apparu pour la première fois dans le roman Le Samouraï virtuel de Neal Stephenson paru en 1992. Depuis un an, le métaverse est devenu le Graal de nombreuses entreprises technologiques mondiales.

Le métaverse est globalement une infrastructure virtuelle aux usages divers. Dans celle-ci, les utilisateurs pourront bien entendu se divertir, mais également, à l’avenir, s’instruire ou encore travailler au sein d’une réalité parallèle.

Facebook veut devenir une entreprise métaverse

Le terme métaverse a gagné en popularité ces dernières semaines. Toutefois, plusieurs voix s’inquiètent de ses implications éthiques et sociétales potentielles. A la fin du mois de juillet, Mark Zuckerberg, le CEO de Facebook, a déclaré que son réseau social deviendrait dans les prochaines années une entreprise métaverse et le successeur de l’Internet mobile.

Zuckerberg a décrit le type de monde en ligne auquel nous devons nous attendre avec le métaverse, rapporte The Guardian. Au sein de celui-ci, les utilisateurs porteront des casques de réalité virtuelle. Dans ce sens, Facebook a racheté il y a plusieurs années Oculus, un des principaux fabricants de casques de réalité virtuelle pour plus de deux milliards de dollars.

Par conséquent, les personnes ne se contenteraient pas de voir du contenu, mais seraient également à l’intérieur de cet univers en ligne. Globalement, il s’agira d’un espace en ligne construit par des entreprises, des créateurs et des développeurs. Dans cet univers numérique, les personnes pourront vivre leur vie, assister à des spectacles et même travailler.

À Washington, la poussée politique de Facebook pour promouvoir le métaverse bat son plein. Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook, et Nick Clegg, son vice-président pour les affaires mondiales et les communications, mènent la campagne de lobbying.

Selon le Washington Post, la société est en discussion avec des groupes de réflexion sur les normes et protocoles métavers. Cependant, selon certains observateurs, ces négociations sont un moyen pour la société de détourner la discussion au sujet de questions telles que le procès antitrust déposé par la Federal Trade Commission l’année dernière.

Plus de données et plus de profits

Selon Andrew Bosworth, le président en charge de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée de Facebook, et Nick Clegg, Facebook s’inquiète des implications du métaverse sur le plan économique, de la vie privée, de la sécurité, de l’équité et de l’inclusion.

Un fonds de recherche a ainsi été mis sur pied, le « XR Programs and Research Fund ». D’une durée de deux ans, il consistera en une collaboration entre Facebook et des acteurs du monde de l’industrie. Ce fonds de recherche intègrerait également des associations de défense des droits civiques, des gouvernements, des institutions universitaires ainsi que des organisations à but non lucratif. L’objectif de ce projet est de réfléchir à un développement responsable de ces technologies.

Toutefois, plusieurs experts estiment que le métaverse pourrait devenir pour des entreprises comme Facebook et d’autres un moyen de profiter d’encore plus de données sur les utilisateurs. Ils ont également mis en garde contre le fait que l’espace et la vie ne soient encore plus envahis par les activités des Big Tech.

« Je sais que ce n’est pas forcément un point de vue populaire mais je pense que les méfaits que l’on constate après coup, pour les enfants surtout mais aussi pour les adultes, sont suffisamment préoccupants pour qu’il soit plus judicieux de travailler à la mise en place de dispositifs de réglementation avant que ces entreprises ne puissent concrétiser leurs plans », a déclaré Robin Mansell, professeur de nouveaux médias et d’Internet à la London School of Economics.

Mansell a également déclaré que les problèmes sociopolitiques associés au métaverse seront identiques à ceux des plateformes de médias sociaux existantes. Ces préoccupations concernent les données des utilisateurs, la surveillance, la réglementation et la représentation du genre, de la race et de l’ethnicité.

Métaverse et questions éthiques

Dans le monde immersif du métaverse, ces problèmes s’étendront à une échelle bien plus grande. Il faudrait obliger les géants de la technologie à attendre avant le lancement jusqu’à ce que  l’on connaisse la réglementation du métaverse, a expliqué Mansell.

« Pour moi, il s’agit simplement d’une autre étape dans la monétisation des données au profit de Facebook et d’autres grandes plateformes vendues aux personnes comme amusantes, excitantes, utiles pour la productivité au travail et ainsi de suite », a-t-elle déclaré.

« L’idée que Facebook a décidé que la seule façon d’augmenter notre attention est de devenir l’univers est un problème, on a l’impression que cela ne peut mener nulle part », a déclaré Scott Galloway, professeur de marketing à la NYU Stern School of Business de New York.

« Je ne pense pas que les personnes aient peur du métaverse, elles ont peur du Zuckerverse. Et c’est ce qu’il a accompli sur les médias sociaux. Il y a plus de personnes qui obtiennent leurs informations de Facebook que de personnes dans l’hémisphère sud et l’Inde. »

« Le métaverse offrirait une « issue de secours » pour résoudre les plus gros problèmes de la société », a estimé le Dr David Leslie, responsable de l’éthique à l’Institut Alan Turing de Londres.

Selon Leslie, le concept pose des questions éthiques autour de tout, de qui le construit et le contrôle. Il existe en outre un risque de perte de « l’espace sûr de la vie privée » et qu’une partie de cette population virtuelle soit non représentative.

« Il existe un risque qu’en termes de composition socio-économique, de genre et ethnique, la population du métaverse soit déséquilibrée. Nous ne vivons pas à une époque caractérisée par un accès équitable aux infrastructures tecnologiques. »

Conséquences sociales

Le Dr Brent Mittelstadt, chercheur principal en éthique des données à l’Oxford Internet Institute, a déclaré que l’impact social potentiel du métaverse est ambigu.

« Si c’est aussi disruptif que prévu, les personnes auront des rendez-vous virtuels plutôt que des rencontres physiques. Il est très difficile de dire quel effet cela aurait sur la nature des relations, de la même manière que prédire l’impact des réseaux sociaux était difficile à établir lorsqu’il ne s’agissait que d’une idée. »

Si Facebook parvient à vous faire passer beaucoup de temps dans son univers, il atteint son objectif de collecter plus de données et de les monétiser, estime l’expert.

« Soudain, vous avez plus de sources de données qu’il n’en existe actuellement, qui sont combinées et acheminées à travers cette seule chose – le métaverse. Et si Facebook y parvient, vous y passerez bien entendu une bonne partie de votre temps. »