Des chercheurs utilisent l’IA pour comprendre le fonctionnement des drogues dans le cerveau

Des chercheurs utilisent l’IA pour comprendre le fonctionnement des drogues dans le cerveau

20/03/2022 Non Par Arnaud Lefebvre

Des chercheurs ont recours à l’intelligence artificielle (IA) pour cartographier l’effet des drogues psychédéliques dans le cerveau. L’IA leur permet de procéder à l’analyse de milliers de rapports écrits d’expériences personnelles vécues lors de la consommation de ces drogues. L’objectif est de comprendre leur effet subjectif et leur fonctionnement dans le cerveau. Les scientifiques espèrent ainsi développer des traitements novateurs basés sur ces drogues pour atténuer des troubles tels que la dépression ou la schizophrénie.

Apprentissage automatique et fonctionnement des drogues

Les drogues psychédéliques telles que la kétamine, le LSD et la psilocybine (composé actif des champignons hallucinogènes) sont un domaine en pleine croissance des neurosciences et de la recherche clinique. Elles font l’objet d’études pour leurs vertus en tant que traitements de troubles et de conditions telles que la dépression, la schizophrénie, la dépendance ou le trouble de stress post-traumatique.

Toutefois, les expériences induites par ces drogues sont très variables et peuvent inclure des hallucinations visuelles et auditives, une altération du sens de soi et une perception déformée du temps. Les personnes reviennent souvent de ces « voyages » avec de nouvelles perspectives sur la vie ou avec des modifications de personnalité. Ces expériences sont souvent décrites avec un langage vif et émotionnel. Ce langage pourrait être en mesure de montrer aux chercheurs quelles zones cérébrales réagissent aux drogues pour les troubles précédemment cités.

Afin de comprendre ces expériences, les chercheurs ont utilisé l’apprentissage automatique pour extraire des mots et des phrases courantes provenant de témoignages de personnes. Ils ont ensuite lié les mots utilisés (par exemple « euphorie », « nausée » ou « visuel ») à l’un des 40 récepteurs de neurotransmetteurs du cerveau réputés pour interagir avec une drogue. Ils ont ensuite pu établir une cartographie des effets engendrés par une drogue sur une zone cérébrale où les récepteurs sont plus actifs.

Pour cela, les chercheurs ont utilisé des algorithmes de reconnaissance des formes. Cela leur a permis de rechercher des modèles au sein de récits subjectifs issus de 6.850 expériences avec des drogues hallucinogènes. Ces récits impliquaient 27 drogues différentes.

Compréhension de la nature de la conscience grâce aux drogues

Les résultats de l’étude, publiés dans la revue Science Advances, remettent en question la compréhension actuelle des mécanismes par lesquels les drogues hallucinogènes produisent leurs effets profonds.

« Ce travail peut nous aider à comprendre la nature de la conscience humaine », a déclaré Danilo Bzdok, médecin et informaticien à l’Université McGill au Canada, un des chercheurs de l’étude.

« Les psychédéliques sont les plus intéressants parce qu’il s’agit d’une fenêtre mécaniquement définie sur la conscience humaine », a déclaré Bzdok à Inverse. « Ces drogues pénètrent dans le cerveau et se lient aux récepteurs et conduisent à des modifications conscientes de conscience. C’est une large fenêtre authentique et informative sur les mécanismes cérébraux derrière la conscience subjective. »

Lors de leur expérience, les chercheurs ont obtenu deux énormes feuilles de calcul Excel. La première feuille contenait 14.000 mots différents issus de témoignages. Ces mots incluaient des termes comme « heureux », « couleur » et « émouvant ». Ce corpus de mots a aidé les scientifiques à développer des « archétypes» de changements de conscience induits par la drogue.

L’autre feuille contenait les affinités avec les 40 récepteurs des neurotransmetteurs. Cela a permis aux chercheurs d’étudier les drogues à travers le prisme des récepteurs. Ils ont ainsi pu déterminer quels ensembles de récepteurs sont étroitement liés à des ensembles de changements de conscience.

« C’est ainsi que nous pouvons cartographier la structure sémantique. Nous pouvons approfondir et zoomer sur les éléments sémantiques qui animent ces expériences », a expliqué Bzdok.

Découvertes et champs d’application futurs

Les chercheurs ont découvert que de nombreuses expériences hallucinogènes courantes telles que la « dissolution de l’ego » ne provenaient pas uniquement de l’activité des récepteurs 5-HT2A de la sérotonine, mais se doivent également à l’activité d’autres récepteurs.

Les drogues et des récepteurs cérébraux fonctionnent de concert pour produire des expériences visuelles et auditives, des expériences physiques et le passage du temps. En outre, l’étude a trouvé que des effets généralement associés aux zones du cerveau responsables de la vision, comme les hallucinations pouvaient être liées à d’autres zones du cerveau.

Il a été démontré que les drogues psychédéliques produisent des changements spectaculaires dans la conscience. Elles atténuent les conditions tenaces comme le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et la dépression résistante au traitement. Toutefois, pour exploiter pleinement lure potentiel de traitement, il serait utile de comprendre leur action niveau neurobiologique. Cette étude fournit une nouvelle compréhension non seulement des récepteurs du cerveau affectés par diverses drogues. Elle permet également de comprendre la manière dont leur activation produit des expériences et des sentiments spécifiques.

Les chercheurs espèrent que leurs recherches permettront d’identifier les drogues susceptibles de provoquer des effets subjectifs particuliers. Cette identification pourra fournir un cadre pour le développement de traitements novateurs futurs basés sur les drogues psychédéliques.

« S’il est possible de déterminer la relation prévisible entre une drogue donnée et une fonction cérébrale, cela permet de comprendre l’utilité de la modification induite par cette drogue », a ajouté Daniel Barron, du Brigham and Women’s Hospital de Boston.