Niger : l’uranium, la pomme de discorde avec la France

Niger : l’uranium, la pomme de discorde avec la France

10/08/2023 Non Par Cinquième Pouvoir

Le coup au Niger a exhumé les vieilles récriminations contre la France. Notamment le pillage des ressources, en particulier l’uranium. Des accusations que rejette Paris, qui minimise le poids de la production nigérienne dans son nucléaire civile, mais dont l’activisme pour réinstaller le président déchu interroge.

Au Niger, les militaires ont renversé, le mercredi 26 juillet, le président élu Mohamed Bazoum, accusé d’être un valet de la France. Depuis lors les putschistes, avec à leur tête le général Abdourahamane Tiani, ont pris plusieurs mesures contestées par la communauté internationale. Mais, pour l’instant, ils n’ont pas encore remis en cause formellement les accords économiques avec la France.

L’indépendance énergétique française menacée ?

Ainsi, le groupe français Orano (ex-Areva), spécialisé dans le cycle du combustible nucléaire, poursuit ses activités au Niger. Cette multinationale détenue à 90 % par l’Etat français exploite essentiellement l’uranium sur les sites d’Arlit et d’Akokan. Si la continuité de son exploitation soulage Paris, l’Elysée montre clairement des signes d’inquiétude pour la suite des évènements. Il craint que les nouvelles autorités nigériennes se tournent vers la Russie et mettent l’entreprise française dehors. Ce qui pourrait porter atteinte à l’indépendance énergétique française.

Le Niger, grand fournisseur d’uranium de la France

Mais le Quai d’Orsay a laissé entendre que la production du Niger reste plutôt faible dans les approvisionnements en uranium de la France. Il fait valoir le fait que ce pays ne représente que 4 % de la production mondiale. Ce qui est vrai, puisque le Niger arrive loin derrière le Kazakhstan (43 %), le Canada (15 %), la Namibie (11 %) et l’Australie (8 %). Ce que le ministère des Affaires étrangères omet de dire, en revanche, c’est le poids de l’uranium nigérien dans les importations françaises. Selon une note interne d’EDF datant de mai 2022, il représente 17,9 % des approvisionnements français. Se classant après le Canada (21 %), la Russie (18 %) et le Kazakhstan (18 %), mais devant l’Australie (16 %) et la Namibie (10 %).

Défendre la démocratie ou les réserves d’uranium ?

Cet Etat d’Afrique de l’ouest est donc très important dans la politique énergétique française, contrairement à ce que prétend le discours officiel. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que Paris s’active autant pour réinstaller le président Mohamed Bazoum au pouvoir. L’argument de la démocratie ne tient pas dans une région où la France soutient parfois des putschs, des rebellions, des coups d’Etat constitutionnels et des dictatures. Ce qui se joue au Niger relève clairement d’intérêts économiques et d’ambitions géopolitiques stratégiques.

Des prix de vente très bas proposés au Niger

En plaçant un président docile ou pro-français, Paris s’assure d’un accès privilégié à l’uranium nigérien. Il se met aussi à l’abri de prétentions sur les prix. Ce genre de revendications ne plaît généralement pas aux autorités françaises. Chaque fois qu’un Chef d’Etat nigérien a eu l’outrecuidance de réclamer une augmentation du prix de vente de l’uranium, il s’en est suivi un coup d’Etat. Hamani Diori a été ainsi renversé en 1974. Et Mamadou Tandja a payé cher pour avoir voulu obtenir des conditions plus avantageuses.

Pays le plus pauvre du monde malgré ses richesses

Pourtant, les Nigériens souhaitent profiter de leur uranium comme les pays du golfe profitent du pétrole. Leur pays reste le plus pauvre du monde malgré ses ressources naturelles. On pourra toujours pointer la corruption des élites, mais la part financière du Niger reste extrêmement faible dans l’exploitation de son uranium. Plusieurs politiques et ONG ont déjà dénoncé cette injustice qu’on aurait largement étalée dans nos médias s’il s’agissait des Russes. Le peuple nigérien a le droit de vivre décemment de ses ressources (uranium, pétrole, or, etc.). Il ne veut plus dépendre de l’aide internationale, qu’on n’hésite d’ailleurs pas à lui couper à la moindre tension. D’ailleurs, c’est seulement en établissant des accords équitables avec les pays Africains qu’on y réduira la pauvreté et donc par ricochet l’immigration clandestine chez nous.