Pourquoi la normalité est désormais un luxe que seuls les riches peuvent se permettre

Pourquoi la normalité est désormais un luxe que seuls les riches peuvent se permettre

12/11/2020 Non Par Arnaud Lefebvre

La pandémie de Covid-19 a inexorablement changé la vie de la plupart des personnes. Toutefois, il n’en va pas de même pour l’élite riche dont fait partie Kim Kardashian, explique le journaliste Mark O’Connell dans un artiche du quotidien britannique The Guardian.

En effet, l’un des plus grands avantages d’être très riche est le fait qu’il est possible de s’isoler des problèmes ordinaires. Tous les tracas de l’existence deviennent plus tolérables lorsque l’on possède beaucoup d’argent.

Kim Kardashian

« Lorsque vous êtes riche, même si vous ne pouvez pas acheter le moyen de sortir d’une situation, vous pouvez généralement acheter un chemin différent vers une meilleure version de cette situation », écrit O’Connell.

Depuis le début de la pandémie, les incitations à ce genre de réflexions ne manquent pas. Ces derniers jours, l’une des invitations les plus marquantes à penser ce genre de phénomène concerne le 40ème anniversaire de Kim Kardashian, ayant eu lieu le 21 octobre dernier.

À cette occasion, Kardashian a tweeté : « Avant le Covid, je ne pense pas que quiconque parmi nous appréciait vraiment le luxe de pouvoir voyager et se retrouver en famille et entre amis dans un environnement sûr. Après deux semaines où j’ai demandé à tout le monde de se mettre en quarantaine, j’ai surpris mon entourage le plus proche avec un voyage sur une île privée où nous avons pu faire semblant que les choses étaient normales pendant un bref moment. Je me rends compte que pour la plupart des personnes, c’est quelque chose qui est totalement hors de portée en ce moment, donc dans des moments comme ceux-ci, je me rappelle à quel point j’ai une vie privilégiée. »

Selon le journaliste, ces déclarations qui ont fait scandale illustrent parfaitement la mesure dans laquelle les riches peuvent choisir de s’isoler des conditions de base de la réalité dans laquelle nous vivons tous.

« Pour un certain type de personne extrêmement riche, faire une démonstration de reconnaissance de son privilège remplit une fonction similaire un cri à Dieu. Ce message n’est pas vraiment destiné à transmettre quoi que ce soit à propos de ce privilège si ce n’est que la personne privilégiée est consciente de son existence et qu’elle en est très généralement reconnaissante. »

La normalité, le nouveau privilège des riches

Les paroles de Kim Kardashian nous laissent entrevoir un nouvel aspect de la vie à l’ère Coronavirus : la mesure dans laquelle la normalité pourrait devenir le privilège le plus enviable des populations très riches. Lorsque vous observez les photos de l’anniversaire de Kardashian et de son entourage s’adonnant à des activités de riches sur une île privée, ce que vous voyez, ce n’est pas un groupe de personnes jouissant d’un certain luxe, mais bien des gens qui profitent des libertés fondamentales auxquelles vous n’avez pas ou plus accès.

Récemment, la chaîne britannique de pharmacies Boots  a annoncé le lancement d’un service privé de tests Covid-19, pour le prix de 120 livres. Cette offre est destinée aux personnes qui ont besoin du feu vert avant de prendre un vol ou de la tranquillité d’esprit avant de voir leurs proches et amis.

« Ce n’est pas exactement le luxe d’une île privée, mais cela fait partie de la même dynamique », écrit le journaliste de The Guardian. « Une personne qui a perdu son emploi en raison de la pandémie et qui a du mal à nourrir une famille, ne pense pas de toute façon à prendre l’avion. Mais ces coûts ne font que renforcer les barrières déjà existantes entre les personnes moins aisées et la liberté de poursuivre les activités d’une vie normale. »

Même en temps de pandémie, les riches continuent à s’enrichir

L’un des aspects les plus déprimants de ce fiasco extravagant de l’année 2020 a été d’apprendre que des riches aux fortunes déjà inconcevables s’enrichissaient d’une manière inconcevable du fait de la pandémie.

D’ici la fin de 2020, l’économie mondiale devrait s’être contractée plus brutalement qu’à n’importe quelle période de l’histoire moderne, provoquant l’appauvrissement et la misère de millions de personnes. Et pourtant, en 2019, 26 des milliardaires du monde (moins de 3.000 personnes au total) contrôlaient déjà ensemble la même richesse que la moitié de la population mondiale. Cette année, malgré la pandémie, ces personnes très riches ont continué à s’enrichir. Jeff Bezos détient 73 milliards de dollars de plus qu’en mars dernier. La fortune de Jack Ma, son homologue chinois, le fondateur du site d’e-commerce Alibaba, est près de deux fois supérieure par rapport au début de l’année 2020.

« Au tout début de la pandémie, un aspect de la catastrophe qui m’a paru extraordinaire était le fait que tout le monde, partout, connaissait le même problème. Les personnes vivaient la pandémie de différentes manières (certains sur des yachts dans les Caraïbes, d’autres coincés dans de minuscules appartements avec leurs familles), mais partout sur Terre, un fait essentiel de la vie présidait. Depuis un moment, cela semble de moins en moins vrai. Les riches, comme ils l’ont toujours fait, ont trouvé des moyens de se soustraire aux conditions dans lesquelles nous vivons tous, et d’augmenter leur propre richesse », écrit encore Mark O’Connell.

« Ce qui est le plus dérangeant à ce sujet, ce n’est pas l’idée que c’est un épiphénomène passager de notre étrange présent, mais plutôt une indication de ce qui est à venir. Tôt ou tard, la pandémie prendra fin. Mais les effets de la dégradation du climat et sa relation complexe avec diverses crises écologiques, économiques et humanitaires, ne seront pas guéris avec le vaccin le plus efficace ou via le plus strict des confinements. Il est difficile d’imaginer à quoi pourrait ressembler cette réalité future. Mais il est moins difficile d’imaginer la prochaine génération de Kardashians postant, sur une plate-forme de réseaux sociaux non encore inventée, à quel point ils ont le privilège d’avoir échappé à la montée des mers et à quel point ils sont humbles de se voir rappeler ce privilège. Et il n’est pas du tout difficile d’imaginer ce que vos propres enfants pourraient ressentir. »