Chili : des données personnelles sans protections

Chili : des données personnelles sans protections

03/05/2020 Non Par Guillaume Pruvost

Dans ce pays de l’Amérique du Sud fortement influencé par les multiples réformes ultralibérales mises en place sous la dictature du général Augusto Pinochet, la pandémie de Covid-19 a permis de montrer à quel point les informations personnelles ne sont pas bien sécurisées et protégées.

Faisons le point sur la situation des données personnelles au Chili

Quand vous passez à la caisse d’un supermarché chien, les choses n’ont pas changé. On vous demande toujours votre numéro d’identité, obligatoire afin de collecter les points de fidélité. Si vous devez conclure un contrat avec un fournisseur d’accès à Internet ou prendre un rendez-vous dans un établissement de santé, même chose. À part cela, il est même souvent nécessaire d’exposer un numéro d’identité, voire même une empreinte digitale.

Jusqu’à la fin du mois de Mars, afin d’avoir accès à la plateforme afin de télécharger une autorisation de sortie durant le confinement lié à la pandémie de Covid-19, on pouvait se servir d’un logiciel de reconnaissance faciale, pour avoir ses identifiants. L’application a été retirée à cause d’une grosse faille de sécurité.

Au Chili, la pandémie de Covid-19 a servi de véritable rappel par rapport au peu de protection des informations personnelles. Premier concerné : le numéro d’identité donné à chaque habitant. Grâce à ce simple numéro, il est extrêmement simple de collecter des renseignements sur quelqu’un. Pour cela, il suffit de croiser diverses bases de données nationales d’accès public, et ensuite concevoir de nouvelles bases de données afin de les vendre. Le meilleur exemple pour illustrer cela est le service électoral. Ce dernier expose sur le web avant chaque élection le listing de la totalité des inscrits, avec des données personnelles telles que par exemple le nom complet, le numéro d’identité ainsi que l’adresse électorale. Les affaires liées aux renseignements personnels sont en tout cas courantes dans le pays, comme celle liée aux policiers l’été dernier. Afin d’en savoir plus sur cette affaire, rendez-vous sur Liberation.

Grande collecte d’informations personnelles

Pour plusieurs politiques et sénateurs du pays, le Chili est un pays extrêmement en retard par rapport à la protection des informations personnelles. La loi de 1999, encore en vigueur, n’envisage pas la conception d’une autorité de contrôle. En plus, s’il y a utilisation frauduleuse des informations personnelles, il n’y a quasiment pas de sanctions.
Cette grande collecte d’informations a des impacts directs sur la population. Ainsi, il est tout à fait possible de se voir refuser la création d’un compte courant si on a mis trop de temps dans le passé à rembourser un crédit à la consommation.

Le Chili est encore extrêmement marqué par les multiples réformes ultralibérales créées sous la dictature du général Augusto Pinochet. Ainsi, dans le registre « Dicom », on retrouve un tas de données personnelles comme par exemple des retards de règlements, et même si cela concerne de très petites sommes. Pour plusieurs sénateurs, cela s’inscrit dans une vision néolibérale, de noter les individus en fonction de leur historique bancaire et financier, en gardant seulement les renseignements négatifs. Les personnes défendant ce genre de modèle pensent que les informations personnelles doivent circuler en toute liberté. Depuis les prémices du mouvement social d’Octobre 2019, dont le but est de combattre les profondes inégalités au Chili, on peut notamment voir sur les murs de la capitale Santiago « Non au Dicom » et d’autres inscriptions souhaitant la suppression de ce registre.

En temps de Covid-19, le phénomène est encore plus fort

À cause de la pandémie de Coronavirus, les commandes sur le web et l’utilisation d’applications de livraison à domicile sont de plus en plus nombreuses. Ainsi, le recueil de données personnelles explose également. Les gens n’ont pas conscience du besoin de protéger leurs informations personnelles. Face à des dangers accrus par la crise, il est urgent de protéger ces renseignements. Une application a récemment été lancée afin de localiser les malades, et les informations hautement sensibles y sont en nombre.

Les sociétés mais aussi l’État devraient prochainement être obligés, de façon légale, de beaucoup mieux protéger les informations personnelles des Chiliens. Ainsi, un projet de loi est en ce moment en cours d’examen. Ce dernier s’inspire directement du règlement général européen par rapport à la protection des informations personnelles. Ce texte a pour but de mettre le pays « à l’avant-garde de la protection des informations personnelles » en Amérique latine.