La réalité virtuelle pourrait supplanter le monde physique

La réalité virtuelle pourrait supplanter le monde physique

21/01/2022 Non Par Arnaud Lefebvre

Pour David Chalmers, philosophe australien spécialisé en philosophie de l’esprit, le monde matériel est susceptible de devenir moins attrayant à mesure que l’on assiste à la progression de la technologie de la réalité virtuelle. Et dans pareil contexte, cette dernière pourrait supplanter la réalité physique, avance Chalmers.

La réalité virtuelle dépassera la réalité physique

L’humanité se dirige vers un monde où les hommes passeront la totalité de leur vie au sein de la réalité virtuelle, affirme Chalmers, professeur de sciences neurales et de philosophie à l’Université de New York.

Interviewé par le quotidien britannique The Guardian, il plaide en faveur de la réalité virtuelle. Dans son nouvel ouvrage « Reality+ », Chalmers estime que les progrès technologiques permettront d’aboutir à des mondes virtuels qui rivaliseront avec le monde physique pour finir par le surpasser ensuite. Selon lui, la technologie atteindra un point de basculement où le monde virtuel et le monde physique deviendront identiques d’un point de vue sensoriel.

« On pense généralement que les réalités virtuelles sont en quelque sorte des réalités factices, que les perceptions dans la réalité virtuelles ne sont pas réelles. Je pense que c’est faux », affirme-t-il dans The Guardan.

Selon Chalmers, les mondes virtuels avec lesquels nous interagissons sont susceptibles d’être aussi réels que le monde physique ordinaire dans lequel nous évoluons. « La réalité virtuelle est également une réalité », explique-t-il.

Les interfaces cerveau-ordinateur remplaceront les casques de réalité virtuelle

La thèse de Chalmers a vu le jour alors qu’il réfléchissait au philosophe français René Descartes. Il s’interrogeait alors sur ce que nous pouvons savoir du monde extérieur.

« Comment pouvons-nous être sûrs que nous ne sommes pas une simulation ? », se demandait-il dans un style rappelant le film Matrix.  Pour le philosophe australien, il nous est impossible de vérifier que nous n’évoluons pas au sein d’une simulation.

Ces interrogations l’ont amené à s’intéresser à la réalité virtuelle. Pour lui, dans les prochaines décennies, les casques encombrants de réalité virtuelle pourraient être remplacés par des interfaces neuronales directes ou BCI en anglais (brain-computer interface). Ces BCI nous feront découvrir des mondes avec l’ensemble de nos sens, affirme-t-il.

« Grâce aux progrès informatiques, le siècle prochain pourrait voir l’émergence de mondes virtuels tout aussi réels que le monde physique qui nous entoure. »

Pour Chalmers, les mondes virtuels actuels sont déjà des mondes réels sur le plan philosophique. Ainsi, une conversation virtuelle est en fait une conversation authentique.

Les objets présents dans les univers virtuels sont également réels.

La seule différence est qu’au lieu d’être faits de quarks et d’électrons, ils sont constitués de bits.

Nous serons amenés à construire des sociétés virtuelles, à exercer des emplois virtuels et à avoir des motivations, des désirs et des objectifs au sein de ces environnements à mesure que les mondes virtuels gagnent en richesse et deviennent plus convaincants, explique le philosophe.

Selon ce dernier, la plupart des facteurs procurant du sens à l’existence se trouveront également au sein des mondes virtuels. Il est en outre erroné de penser que la vie au sein des univers virtuels n’aura aucun sens ou aucune valeur, avance-t-il.

Et le monde physique dans tout ça ?

Chalmers ne recommande pas d’abandonner la réalité physique.

« Nous continuerons à nous baser sur celle-ci à court terme », explique-t-il. Le philosophe australien pense cependant que sur le long terme, les personnes passeront la plupart de leur vie dans la réalité virtuelle.

La poursuite du monde physique deviendra novatrice ou fétichiste. Toutefois, cette évolution est parsemée d’embûches dont il faut se méfier, précise le philosophe.

Malgré l’épanouissement permis par les mondes virtuels, les personnes continueront à avoir besoin de nourriture, de boisson et d’exercices réels, précise-t-il. Elles auront peut-être même besoin de voir la lumière pour faire en sorte que leur corps ne dépérisse pas.

Le philosophe estime que ces risques pourraient encore être insignifiants pendant plusieurs décennies. Toutefois, la progression vers la vie virtuelle peut constituer un nouveau problème de santé publique.

La réalité virtuelle attirent les personnes pour plusieurs raisons. Les univers virtuels constituent des mondes dans lesquels elles pourront être pourvues de compétences surhumaines et avoir un autre corps. Elles pourront également ressentir de nouvelles sensations et découvrir de nouveaux environnements en fonction de plusieurs lois de la physique.

Face au risque que le monde physique se dégrade en raison d’une catastrophe environnementale, un conflit nucléaire ou une pandémie, les univers virtuelles pourront servir de refuge sûr, avance Chalmers.

D’un autre côté, l’attractivité de la réalité virtuelle pourrait provoquer des laisser-aller sur le plan mondial. Chalmers se demande si le réchauffement climatique et autres crises du monde physique deviendraient moins urgentes. Il souligne en outre que la réalité physique est vraiment importante et que nous devons continuer à nous en soucier.

Risque du passage à la réalité virtuelle

Chalmers évoque d’autres risques. Les mondes virtuels appartiennent actuellement à des entreprises qui cherchent à obtenir un retour sur investissement.

En octobre, le réseau social Facebook a été renommé « Meta ». Ce changement de nom reflète le souhait et l’ambition de l’entreprise de Mark Zuckerberg de dominer le « métaverse ».

Selon Frances Haugen, la lanceuse d’alertes, ancien ingénieur de Facebook, le métaverse comporte des risques sur le plan de la surveillance et de la collecte intrusive de données. Pour Haugen, Il existe également des risques de séquelles psychologiques.

Si les êtres humains sont plus beaux et s’ils ont de meilleurs vêtements et une maison plus agréable dans le métaverse, comment se sentiront-ils lorsqu’ils délaissent cet univers ?

Si les mondes virtuels continuent à être la propriété des entreprises, nous pourrions aboutir à des réalités potentiellement dystopiques au sein desquels les entreprises contrôlent tous les aspects de nos environnements, estime le philosophe. Selon celui-ci, nous avons des raisons évidentes de s’inquiéter à ce sujet.

David Chalmers pense cependant qu’il est peu probable que toutes les personnes se tournent vers la réalité virtuelle. Certaines d’entre-elles continueront à apprécier la physicalité pure.

Le philosophe australien fait cependant remarquer qu’il peut exister une impression d’authenticité sur le plan de l’interaction dans notre forme biologique d’origine. Mais il ne voit pas pourquoi le monde physique pur devrait opposer vie pleine de sens et vie sans sens.

Ainsi, sur le long terme, les univers virtuels pourraient avoir les mêmes avantages du monde non virtuels. Étant donné la variété de façons dont les mondes virtuels sont capables de surpasser le monde virtuel, l’existence au sein des univers virtuels sera souvent le meilleur choix de vie, conclut David Chalmers.