« Elon Musk est soumis à la satisfaction de son propre ego »

« Elon Musk est soumis à la satisfaction de son propre ego »

13/09/2023 Non Par Arnaud Lefebvre

« Elon Musk n’est pas le chef d’entreprise le plus imprudent, le plus destructeur ou le plus dangereux de l’histoire mondiale… Mais il pourrait bien être le plus imprudent, destructeur et dangereux du moment », écrit  dans The Guardian Siva Vaidhyanathan, professeur d’études sur les médias à l’Université de Virginie et auteur de l’ouvrage « Antisocial Media: How Facebook Disconnects Us and Undermines Democracy ».

L’influence démesurée de certaines capitalistes sur les affaires mondiales

Au cours de l’année écoulée, alors que Musk sapait Twitter de l’intérieur et qu’il élargissait l’influence de SpaceX, sa société spécialisée dans le domaine de l’astronautique, nous apprenions que l’Internet de l’Ukraine dépendait de Starlink, fournisseur d’accès à Internet, filiale de SpaceX.

Parallèlement, les dettes financières de Musk envers le fonds d’investissement souverain de la famille royale saoudienne ont suscité une attention particulière de la part des décideurs politiques et des défenseurs des droits de l’homme.

« Depuis longtemps, certains grands industriels et capitalistes ont une influence démesurée sur les affaires mondiales », écrit Siva Vaidhyanathan.

le banquier américain JP Morgan Jr a rendu possible les efforts britanniques et français pendant la Première Guerre mondiale avec une émission d’obligations de 500 millions de dollars. Celles-ci visaient à soutenir les gouvernements britanniques et français en les aidant à s’approvisionner en armes pendant les trois années précédant l’arrivée des États-Unis dans le conflit.

Les différentes banques de Morgan l’ont aidé à restaurer sa perception de « l’ordre mondial » au 20ème siècle, en lançant en grande partie ce qui allait être un effort d’un siècle pour réduire les barrières au commerce et aux flux de capitaux à travers les frontières. Et ce, même si cela signifiait de se ranger aux côtés des régimes autoritaires au détriment des normes démocratiques, souligne Vaidhyanathan.

Ainsi,, nos analyses ont longtemps négligé le rôle joué par les acteurs non étatiques comme les entreprises. Par conséuqnet, certaines d’entre elles ont gagné en pouvoir dans le monde en accaparant le marché de certaines ressources essentielles comme SpaceX avec Starlink, son service Internet par satellite à basse altitude. Elles sont devenus la source d’un pouvoir corrupteur qui incite au coup d’État, soutient un régime brutal, comme British Petroleum l’a fait en Iran en 1953 et la United Fruit Company au Guatemala en 1954.

L’ego de Musk

L’état du monde à la fin du 20ème siècle semble être le résultat des actions et des intérêts des banques Morgan, des compagnies pétrolières américaines et britanniques et des intérêts agricoles américains, explique Vaidhyanathan.

Les principales forces s’opposant au pouvoir des entreprises américaines et britanniques – l’Allemagne hitlérienne, l’Union soviétique et la République populaire de Chine – étaient encore plus meurtrières et exploiteuses que le pouvoir plus subtil, plus doux et plus diffus des intérêts des entreprises.

« Mais le modèle néolibéral d’entreprise a prévalu sur ces pires modèles et continue de façonner le monde au 21ème siècle, avec seuls des modèles capitalistes illibéraux tels que la Chine et la Russie compliquant le rêve d’un ordre mondial libéralisé et mondialisé que Morgan avait lancé il y a plus d’un siècle », écrit Siva Vaidhyanathan.

« Cette danse avec l’illibéralisme, ou l’effacement de la distinction entre les formes libérales et antilibérales des démocraties capitalistes, est ce qui est le plus alarmant quant au niveau actuel d’influence de Musk dans le monde. »

Musk prétend parfois avoir des valeurs et des principes. Il se vantera de la valeur de la liberté d’expression, tout en la refusant volontiers aux travailleurs, aux critiques et aux victimes de harcèlement quand il en a le caprice, explique le spécialiste.

« « Caprice » est le mot clé. Il n’y a pas de théorie sur Musk. Il n’a pas de principes profonds et réfléchis. Comme le dernier ancien président des États-Unis, il est soumis à la satisfaction de son propre ego. »

Musk et l’Ukraine

Comme le révèlent des articles récents dans le New York Times et le New Yorker ainsi que dans la nouvelle biographie de Musk par Walter Isaacson, Musk se laisse facilement influencer par des puissants et séduisants tels que Vladimir Poutine et oriente ses décisions vers les applaudissements reçus de ses fans sectaires.

Ainsi, alors que le monde entier semblait uni pour aider l’Ukraine face à l’agression russe au printemps 2022, Musk intervenait pour garantir que les satellites StarLink fournissent une connectivité fiable alors que les bombes et les missiles russes détruisaient les infrastructures essentielles à travers le pays. Mais plus tard, convaincu de son génie, de son indépendance et de sa bienveillance, Musk a décidé d’étouffer la défense de l’Ukraine via une dangereuse collaboration avec des responsables russes. Musk a toutefois nié cela.

« Lorsque les personnes riches se convainquent qu’ils le sont parce qu’ils sont intelligents, ils ont tendance à utiliser leurs talents à mauvais escient dans des domaines bien au-delà de leurs connaissances ou de leur expertise. Ils ont également tendance à socialiser avec d’autres élites ayant une vision myope de l’humanité. C’est la chambre d’écho la plus dangereuse et la plus puissante. C’est le genre d’arrogance qui pousse des personnes comme Mark Zuckerberg et Bill Gates à « réorganiser » l’éducation publique selon leurs propres hypothèses idéologiques, sans entreprendre le dur travail d’étude des systèmes qu’ils espèrent démanteler. »

« Tant que nous permettons que les systèmes publics, de renseignement et militaires essentiels soient contrôlés par des acteurs privés, nous risquons de voir des vies détruites et des espoirs d’un avenir meilleur anéantis par les caprices d’un égocentrique instable. Cela pourrait être Musk. Ce pourrait être quelqu’un de bien plus compétent et capable la prochaine fois », conclut Siva Vaidhyanathan dans The Guardian.